Publié le 14 mai 2024
– Mis à jour le 14 mai 2024
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Irène Deliège (née Jeanne Smismans), survenu à Ixelles le 11 mai 2024. Figure majeure de la psychologie de la musique, elle laisse derrière elle des travaux devenus des classiques et des institutions qui sont aujourd’hui au cœur de la recherche en sciences cognitives de la musique. Née le 15 janvier 1933, Irène Deliège passe son enfance près de Hal où elle se dirige très tôt vers la musique. Elle obtient au début des années 1950 son diplôme de pianiste au Conservatoire royal de Bruxelles. Elle y suit notamment les cours d’André Souris, personnalité emblématique du surréalisme et de la musicologie belge à l’époque. Sur son conseil, elle se rend en 1953 aux Cours d’été de Darmstadt en Allemagne, alors épicentre de l’avant-garde musicale. Elle y suit les cours d’Olivier Messiaen et y rencontre son futur époux, le musicologue Célestin Deliège (1922-2010). De retour en Belgique, elle poursuit pendant plus de 25 ans une carrière de professeure de musique dans l’enseignement secondaire. Elle continue d’épauler au quotidien son époux Célestin dans ses travaux musicologiques et ses activités à la radio. Au début des années 1980, Irène Deliège entame à près de cinquante ans un cursus de psychologie à l’ULB. Après l’obtention de sa licence, elle poursuit son parcours à l’Université de Liège où le professeur Marc Richelle lui confie la supervision de l’Unité de Recherche en Psychologie de la Musique (URPM). C’est dans ce cadre qu’elle soutient en 1991 sa thèse de doctorat intitulée "L'organisation psychologique de l'écoute de la musique. Des marques de sédimentation - indice, empreinte - dans la représentation mentale de l’œuvre". Elle y propose un modèle théorique à la fois profondément original et éprouvé par de nombreux tests expérimentaux de la façon dont les auditeurs perçoivent en temps réel la forme d’une œuvre musicale. En parallèle à ses travaux de recherche, Irène Deliège prend acte du vide institutionnel dans lequel se trouvaient à l’époque le champ des sciences cognitives de la musique. Elle co-organise le premier colloque international à ce sujet sur le sol européen, à Paris en 1988. Peu après, elle fonde et dirige pendant près de 20 ans la revue Musicae Scientiae (https://journals.sagepub.com/home/msx) et la European Society for the Cognitive Sciences of Music (l’ESCOM, https://www.escomsociety.org/). Ces deux institutions sont devenues des outils incontournables de la recherche en cognition musicale. Elle a également fondé le Irène Deliège Translation Fund, un fonds de traduction vers l’anglais d’ouvrages classiques de sciences de la musique écrits dans d’autres langues, notamment le français et l’allemand. En 2009, elle a généreusement légué à l'ULB l'extraodinaire bibliothèque constituée avec son époux, et leurs archives. Irène Deliège a été une inspiratrice et organisatrice infatigable de la recherche en psychologie de la musique. Le Laboratoire de musicologie présente à ses proches ses condoléances les plus sincères. |